CRÉATION
"Comment fait-on entrer le monde vivant dans le monde de la danse ? Comment fait-on entrer des vies non-humaines dans des corps humains ? C’est ce paradoxe que le chorégraphe Jérôme Bel et l’historienne de l’art Estelle Zhong Mengual nous invitent à explorer. À travers plusieurs pièces choisies appartenant au répertoire de la danse savante occidentale, les deux curateur·rices interrogent les différentes stratégies inventées par les chorégraphes pour s’atteler à ce défi apparemment impossible de devenir d’autres corps que les nôtres : les végétaux, les animaux, les éléments naturels.
Ces danses anciennes pour la plupart sont données à voir depuis notre présent : celui de la crise écologique. Ce spectacle propose de faire l’expérience in vivo des relations que les chorégraphes ont créées avec le monde vivant, et ainsi d’enrichir nos formes de sensibilité à son égard, pour creuser un peu plus sa place centrale dans notre monde commun."
Note à l’attention des spectateurs·rices : Danses non humaines contient des scènes de nudité.
Jérôme Bel
Dans ses premières pièces (nom donné par l’auteur, Jérôme Bel, Shirtologie…), Jérôme Bel applique des opérations structuralistes à la danse pour isoler les éléments premiers du spectacle théâtral. La neutralisation des critères formels et la distance prise avec le langage chorégraphique le conduisent à réduire ses pièces à leur minimum opérant pour mieux faire émerger une lecture critique de l’économie de la scène, comme du corps qui s’y produit.
Son intérêt se déplace par la suite de la danse comme pratique scénique à la question de l’interprète comme individu particulier. La série des portraits de danseurs (Véronique Doisneau, Cédric Andrieux, Xiao Ke…) aborde la danse par le récit de ceux·elles qui la font, met en avant la parole dans un spectacle chorégraphique et impose la question de la singularité sur scène. La critique formelle et institutionnelle prend ici la forme d’une déconstruction par le discours, dans un geste subversif qui radicalise son rapport à la chorégraphie.
Estelle Zhong Mengual
Estelle Zhong Mengual est historienne de l’art. Normalienne et docteure, elle enseigne dans le Master d’Expérimentation en Art et Politique (SPEAP), créé par Bruno Latour, à Sciences Po Paris. Elle est titulaire de la chaire Habiter le paysage : pratiques artistiques d’hospitalité pour le vivant aux Beaux-Arts de Paris.
Ses recherches actuelles portent sur les relations que l’art, passé et présent, entretient avec le monde vivant. Elle travaille notamment à l’élaboration d’une histoire environnementale de l’art, qui propose un nouveau régime d’attention à la représentation du vivant dans l’art, à partir des outils des humanités environnementales et des sciences naturelles les plus contemporaines.
Elle est l’auteure de nombreux livres, dont Apprendre à voir. Le point de vue du vivant (Actes Sud, 2021), prix EcoloObs pour le meilleur essai en pensée environnementale de l’année 2021, et Peindre au corps à corps. Les fleurs et Georgia O’Keeffe (Actes Sud, 2022).